Les Portugais débarquent au Brésil en avril 1500 : les premières lettres envoyées au roi D. Manuel montrent immédiatement que de nouvelles terres, une nouvelle faune et une nouvelle flore sont découvertes. De même, les contacts avec de nouveaux peuples, et par conséquence avec de nouvelles maladies, obligent les Lusitaniens à rapidement acquérir de nouvelles connaissances afin de s'adapter aux conditions de vie locale, bien différentes de la métropole.
La question de la découverte et de l'incorporation de nouveaux savoirs médicaux et médicinaux dans les pratiques médicales et les pharmacopées tant européennes qu'indigènes est une question portant autant sur le développement de processus de construction et d'accumulation de la connaissance que sur des intérêts socio-économiques, politiques et, bien entendu, religieux. L'étude des différents points de vue des sources (description simple, capture et/ou destruction de nouvelles connaissances), des conséquences de la transmission de la théorie et de la pratique (qui a apporté quoi à l'autre, formes d'influence, acceptation ou rejet de cette influence) et des conséquences médicales et médicinales de la mise en contact de deux civilisations (sociologie, ethnologie, économie et environnement) montre que l'hybridation médicinale, ici dans un cadre médical, s'est véritablement développée au XVIIe siècle au Brésil en raison d'une pénurie de médecins diplômés et de pharmacopée européenne. Les premières universités brésiliennes sont en effet créées au tout début du XIXe siècle, soulignant ainsi un certain retard en comparaison avec l'Amérique espagnole.
Si au XVIe siècle les Portugais, et autres Européens, semblent s'être consacrés à la découverte et à la description d'une « nouvelle » médecine, le contexte du XVIIe siècle correspond plutôt à un besoin d'appliquer cette « nouvelle » médecine. Le « triptyque commerce-conquête-religion », pour reprendre l'expression du géographe Louis Marrou (« De Lisbonne à Macao : lusotopie insulaire », in André-Louis Sanguin, Vivre dans une île : géopolitique des insularités, Paris, 1997, pp. 357-372), est le meilleur résumé du cas médico-médicinal luso-brésilien : la science et l'innovation sont ici au service de la colonisation et de l'évangélisation, comme le montre particulièrement bien l'exemple des Jésuites qui se sont emparés des connaissances médicales et médicinales locales afin de remplacer le pilier sociétal qu'étaient alors les pajés et, en fin de compte, d'acculturer les peuples indigènes. Les boticas jésuites sont alors le point névralgique de la production et de la diffusion institutionnelle des connaissances thérapeutiques au Brésil.
Cette communication portera donc sur l'existence, ou non, d'une hybridation des connaissances et des savoir-faire médicaux et médicinaux luso-brésiliens. En d'autres termes, l'objectif est de savoir si par exemple Galien et Théophraste sont devenus des « Pères de la médecine et de la botanique » au Brésil et si au contraire le savoir européen a lui aussi progressivement subi des modifications durant les deux premiers siècles du Brésil colonial. Les flores brésilienne et européenne étant vastes, les exemples étudiés se concentreront sur l'étude de quelques plantes ayant pour particularité d'avoir été implantées au Brésil à cette époque ou d'en provenir.