Projections-débats

Projections-débats

Dialogues autour du cinéma dans les Amériques 

Articulé autour de trois longs-métrages (un documentaire et deux fictions), ce cycle de projections-débats mettra à l’honneur des réalisations filmiques portant sur différentes aires géographiques des Amériques (Canada, Cuba, Etats-Unis, Pérou), en présence du réalisateur Inti Herrera et des réalisatrices Sonia Bonspille Boileau et Melina León. Pour l’occasion, une équipe composée de chercheurs et chercheuses ainsi que de doctorants et doctorantes du réseau de l’IdA se sont associé.e.s afin de sélectionner trois longs métrages, pour certains jamais diffusés en France : La gente del documental (Inti Herrera, 2022), Rustic Oracle (Sonia Bonspille Boileau, 2019), Canción sin nombre (Melina León, 2019).

Equipe organisatrice : Laura Cahier (Aix-Marseille Université), Thibaut Cadiou (LCE - Université Lumière Lyon 2), Milena Santoro (Georgetown University), Magali Kabous (LCE), Marion Magnan (IdA) et Luis Miguel Camargo (IdA) 

La gente del documental de Inti Herrera, 2019

Lundi 12 juin de 16h30 à 19h00 à la MILC

Le film raconte l'histoire d'un tournage en partie avorté et profondément remanié, dans plusieurs villes américaines (Nord et Caraïbes). Le point de départ, en 2018, était un grand Festival des Arts Cubains organisé au Centre Culturel Kennedy à Washington. Il réunissait des centaines d'artistes cubains de renom vivant dans l'île ou en exil. Théoriquement, l'équipe de tournage d'Inti Herrera devait avoir accès à l'intégralité du Festival. Cependant, l'équipe a subi plusieurs revers, dus notamment aux changements politiques aux Etats-Unis. Loin de se décourager, ils ont transformé cette adversité en challenge et leur parcours itinérant leur a permis de rencontrer divers membres de la communauté cubaine de l'île ou de la diaspora. Le film qui est le fruit de cette réinvention est un hommage aux "Faiseurs de ponts" entre les divers lieux de vie des Cubains et un hymne à la culture dans son aspect le plus fédérateur.

* Première internationale. Projection suivie d’un échange avec le réalisateur Inti Herrera et Magali Kabous, spécialiste de cinéma cubain, consultante auprès de l’ambassade de France à Cuba.

Rustic Oracle de Sonia Bonspille-Boileau, 2019 

Mardi 13 juin de 20h30 à 23h00 au Cinéma Comoedia 

Dans les années 1990, Susan élève ses deux filles, Heather et Ivy, dans une communauté mohawk au Canada. Un jour, la fille aînée, Heather, disparaît de la petite communauté, sans laisser de trace. La police est persuadée que la jeune fille reviendra sous peu, mais le temps passe et Heather demeure introuvable. Ivy, âgée de huit ans, et sa mère Susan décident alors de se lancer à sa recherche. Derrière un périple familial difficile et éprouvant raconté à travers les yeux d’Ivy, on découvre également une histoire de résilience, d’éveil et d’amour.

* Projection suivie d’un échange avec la réalisatrice Sonia Bonspille Boileau et les chercheuses Miléna Santoro et Laura Cahier. 

Canción sin nombre de Melina León, 2019 

Jeudi 15 juin de 20h30 à 23h00 au Cinéma Comoedia

Dans les années 1980, au plus fort de la crise politique péruvienne,Georgina, une jeune femme quechua vivant dans un village de montagne proche de Lima, est enceinte. Alors qu’elle vend des pommes de terre sur le marché, elle entend à la radio une publicité proposant un suivi de grossesse gratuit. Mais, après l’accouchement, la clinique refuse de lui dire où se trouve son bébé. Décidée à retrouver sa fille, ses recherches l’amènent à la seule personne qui va l’écouter et tenter de l’aider : un journaliste taiseux et farouchement indépendant, Pedro Campos.

* Projection suivie d’un échange avec la réalisatrice Melina León et les chercheuses Tania Romero Barrios (Laboratoire Études Romanes, Université Paris VIII), Miléna Santoro et Laura Cahier.


En partenariat avec le Cinéma Comœdia
Ces projections sont en lien avec les ateliers du Congrès.

Pour en savoir plus sur l'intégralité des projections-débats veuillez consulter le livret

Le regard des chercheurses autour du film La gente del documental 

Inti Herrera vit et travaille à Cuba. Il est en ce moment, avec sa société i4films, l’un des producteurs indépendants les plus actifs du pays, au sein d’une industrie nationale qui a longtemps été centralisée au sein de l’Institut Cubain des Arts et de l’Industrie Cinématographiques (ICAIC). De fait, la situation de l’industrie cinématographique est très délicate à Cuba. Différents problèmes s’additionnent : pays en crise économique profonde, exil de très nombreux cinéastes et techniciens, répercussions de la longue fermeture du pays durant la pandémie et cas de censure des films de cinéastes indépendants.

Le nombre de sorties de longs métrages de fiction ou documentaires est donc bien en-deçà de celui qu’a connu Cuba par le passé. Pourtant, et c’est tout le paradoxe, l’école cubaine de formation des cinéastes est très active, et les créateurs et créatrices sont très nombreux à produire. Nous nous réjouissons que l’un de ces films soit diffusé lors du congrès et commence à acquérir une visibilité internationale. Le documentaire se penche sur les relations géopolitiques entre Cuba et son voisin états-unien par le prisme très spécifique de l’art et de la culture. Il tente de rompre avec le discours polarisé qui tendrait à diaboliser ou discréditer l’une ou l’autre des parties. Désireux de ne pas ressasser des événements passés, le cinéaste opte pour l’apaisement, cherchant les éléments unissant Cubaines et Cubains “des deux rives” et États-uniens. Le film est sorti en salles à la Havane en 2022. 

Le regard des chercheurses autour du film Rustic Oracle 

Rustic Oracle est le deuxième long métrage de Sonia Bonspille Boileau, cinéaste mohawk bilingue originaire du Québec, dont les productions pour le cinéma et la télévision lui ont valu plusieurs prix tant au Canada que dans des festivals à l’étranger. Ce film, dont le visionnement à Lyon sera sa première en France, aborde le problème des femmes autochtones disparues et assassinées. Leurs proches doivent alors composer avec le manque de traces et d'informations sur leur sort ainsi que les défaillances du système judiciaire. En 2019, l’année de la sortie du film, le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a été publié : malgré les difficultés à recueillir des chiffres exacts, ce rapport démontre que les femmes autochtones sont quatre fois plus susceptibles d’être victimes d’homicide que leurs consoeurs canadiennes blanches. Constat sans surprise pour les Autochtones dont plusieurs ont commencé, depuis une décennie environ, à écrire ou tourner des films sur les traumatismes vécus par les femmes dans leurs communautés. Avec ce film, Sonia Boileau choisit, pour sa part, de suivre le regard de la jeune Ivy qui a perdu sa soeur. Ce choix de focalisation lui permet de ne pas perdre de vue l’espoir et la résilience des familles face à leurs pertes. Comme elle l’explique dans un récent entretien, Ivy “devient une femme autochtone forte et une bonne mère. C’est ce que tant de femmes font aujourd’hui : elles apprennent à surmonter les traumatismes de leurs ancêtres et à canaliser leurs forces.” On est tenté d’ajouter que c’est également ce que la nouvelle génération de cinéastes autochtones, comme Sonia Boileau, font dans leurs oeuvres comme dans la vie.

Le regard des chercheuses autour de Canción sin nombre

Inspiré de faits réels, Canción sin nombre est un portrait, à la fois déchirant et poétique, de Georgina (magnifiquement interprétée par Pamela Mendoza) et Leo (Lucio Rojas), un jeunecouple quechua originaire des Andes et dont l’enfant est enlevé à la naissance. Avec ce premier long métrage à l'esthétique engagée, la réalisatrice péruvienne Melina León nous plonge au coeur d’un système politique profondément violent et discriminant, en particulier envers les femmes et les communautés autochtones, en mêlant les histoires intimes et personnelles de celles et ceux qui en sont les premières victimes. Derrière ce déchirement familial, on est saisi par la réalité vécue et les récits incarnés de la violence sociale et politique à laquelle font face les peuples quechuas dans le pays et du trafic d’enfants qui a lieu à l’époque. Des révélations montreront que de nombreux bébés ont été arrachés à leurs mères – le plus souvent pauvres, rurales et autochtones – puis adoptés par des familles riches ou étrangères. Ces enlèvements ne sont pas sans rappeler d'autres scandales sous différentes dictatures militaires, notamment en Espagne sous Franco, en Argentine sous Videla ou au Chili sous Pinochet. Ce long métrage est également un hommage touchant à la résilience des femmes, mères et communautés victimes de ce trafic. Malgré la douleur, la corruption généralisée et le mépris du système judiciaire, Georgina tente par tous les moyens de retrouver sa fille. Sa rencontre avec le journaliste Pedro Campos est particulièrement bouleversante : bien qu’issus de milieux différents, tous deux semblent être guidés par une volonté saisissante de faire la lumière sur ces faits terribles et d’obtenir justice. Avec le personnage de Pedro, le long métrage de Melina León donne aussi à voir le rôle que certains journalistes ont pu jouer dans la révélation de ces trafics et dans la lutte contre la corruption. Dans un entretien, Melina León expliquera d’ailleurs que ce premier long-métrage est un hommage à son père, Ismael León, l'un des journalistes ayant lancé le quotidien péruvien La Republica: "Ils ont lancé le journal en 1981 avec en Une cette affaire de trafic d’enfants, et mon père a participé directement à l’enquête. C’est lui qui m’a raconté cette histoire".

 

Les thématiques des trois films sélectionnés font écho à l’actualité des Amériques et à des interrogations de recherche traitées dans le cadre du congrès, notamment lors de deux ateliers organisés le mercredi 15 juin 2023 à la Maison Internationale des Langues et des Cultures (MILC) :


1. Le documentaire à Cuba : Mercredi 14 juin de 11h15 à 13h15
2. (Re)présentations filmiques et femmes autochtones dans les Amériques : Mercredi 14 juin de 9h00 à 11h00

 

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